Vaut-il mieux être un gros poisson dans un petit étang ou un petit poisson dans un grand étang ?

Lémania blog

J’ai récemment lu un livre fascinant de Malcom Gladwell intitulé « David et Goliath ». Le sous-titre du livre « Underdogs, Misfits, and the Art of Battling Giants » donne une bonne idée de son contenu.

L’introduction explique comment David a battu Goliath dans l’Ancien Testament en utilisant une approche totalement différente du combat basée sur la vitesse et la mobilité. Il serait très difficile de résumer l’ensemble du livre, étant donné sa diversité et les nombreux sujets traités. Le livre évoque par exemple l’histoire de David Boies qui est devenu un avocat célèbre malgré sa dyslexie ou le rôle crucial joué par une image dans l’histoire du mouvement américain des droits civils dans les années 1960. La manière d’utiliser un désavantage pour gagner est l’élément commun des différents chapitres.

En tant qu’éducateur, un chapitre intitulé « Caroline Sacks » a particulièrement attiré mon attention. Caroline Sacks était une élève brillante au lycée et elle était passionnée par les sciences. Elle a obtenu des notes A pour les cours qu’elle a suivis à l’université alors qu’elle était encore lycéenne. L’été suivant sa première année de lycée, elle a visité cinq universités avec son père. Lorsque le moment est venu de choisir, elle hésite entre l’université du Maryland et l’université Browne de Boston. Cette dernière étant de loin la plus prestigieuse, elle a finalement choisi la deuxième option.

Mais était-ce le bon choix ? La plupart d’entre nous dirions oui. Browne est membre de l’Ivy League; elle dispose de plus de ressources, etc.

Les difficultés de Caroline ont commencé avec la chimie en première année. « Le problème était qu’elle ne s’évaluait pas vis-à-vis de tous les étudiants du monde en chimie organique, mais de vis-à-vis de ses camarades de Browne. Elle était un petit poisson dans l’un des étangs les plus profonds et les plus compétitifs du pays – et la comparaison avec tous les autres poissons brillants a brisé sa confiance. Elle s’est sentie stupide, même si elle n’était pas du tout stupide » (page 77). Elle souffrait en fait d’une « privation relative ». Finalement, elle a abandonné ses études et n’a pas obtenu son diplôme.

Peut-être Caroline aurait-elle pu obtenir son diplôme si elle avait choisi d’aller à l’université du Maryland à la place.

Pourquoi en sommes-nous arrivés à cette conclusion ?

Dans le même chapitre du livre, Gladwell affirme que plus de la moitié des étudiants américains qui commencent dans des programmes de sciences, de technologie et de mathématiques abandonnent leurs études. La proportion d’étudiants qui échouent est à peu près la même dans toutes les universités. Gladwell compare les résultats en mathématiques des candidats au SAT à l’Université de Harvard et au Hartwick College (un exemple d’université moyenne). Le tiers inférieur des candidats à Harvard a obtenu un score plus élevé que le tiers supérieur des candidats à Hartwick (581 points contre 569 sur un total de 800). Tous ces brillants candidats ont-ils réussi leurs études ? Pas du tout ; le nombre de diplômés des tiers supérieur, moyen et inférieur est presque le même dans les deux universités. Les candidats du tiers inférieur de Harvard auraient eu deux à trois fois plus de chances de réussir s’ils avaient choisi d’aller à Hartwick.

Cela nous montre à quel point il est important de faire le bon choix. Et le bon choix n’est peut-être pas le plus évident. À la question de savoir ce qui se serait passé si elle avait choisi d’aller à l’université du Maryland, Caroline Sacks répond sans hésiter : « Je serais toujours dans les sciences ».

Je conclurai par une citation assez longue, qui résume parfaitement ce que j’ai tiré du livre de Gladwell. « Les parents disent encore à leurs enfants d’aller dans les meilleures écoles possibles, au motif que les meilleures écoles leur permettront de faire tout ce qu’ils souhaitent. Nous tenons pour acquis que le Big Pond élargit les possibilités (…). Nous avons défini ce qu’est un avantage – et la définition n’est pas correcte. Et que se passe-t-il en conséquence ? Nous faisons des erreurs. Nous avons mal compris les batailles entre les outsiders et les géants. Nous avons sous-estimé le degré de liberté qu’il peut y avoir dans ce qui ressemble à un désavantage. C’est le Petit Bassin qui maximise vos chances de faire ce que vous voulez ». (page 93, traduction par Lémania).

 

Philippe Du Pasquier

 

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